Aiden
Les poings en feu, ensanglanté, je reste immobile au centre de la cour. Autour de moi, les corps des hommes que je viens de tabasser gisent sur le sol, certains gémissant, d'autres complètement inconscients. Je sens l'adrénaline pulser dans mes veines, le silence pèse, seulement troublé par les râles de douleur des types à terre. Je baisse les yeux vers mes mains, couvertes de coupures, mes jointures ouvertes et sanglantes. Ce n'est pas la douleur physique qui me frappe, c'est cette colère sourde dans ma poitrine. Depuis que je suis ici, je suis devenu la cible de beaucoup de détenus. Certains sont juste là pour tester leur force, d'autres cherchent à se faire un nom en m'attaquant. Mais les pires, ce sont ceux qui ont un vrai motif.
Les membres de gang.
Eux, ils n'ont pas oublié. Les ordres de leur supérieur sont clairs : me faire payer pour avoir détruit leur réseau. Ils ne peuvent pas me tuer dehors, alors ils essaient ici. Et ils sont nombreux. Chaque jour, c'est une nouvelle embuscade. Quand je me douche, pendant mes repas, ou comme aujourd'hui, une attaque en plein milieu de la cour, sous les regards de tout le monde. Je serre les poings en me remémorant leurs visages. Ce regard plein de haine qu'ils avaient quand ils m'ont encerclé. Je passe ma langue sur ma lèvre fendue, le goût métallique du sang me ramenant à l'instant présent. Mon souffle est lourd, mes poings toujours serrés.
Je lève les yeux et fixe les nuages en soupirant, comme j'aimerai n'être qu'un nuage. Totalement libre, n'avoir juste qu'à me laisser porter par le vent.
Je me baisse lentement, mes doigts fouillant dans les poches d'un des types étalés au sol, inconscient. Après quelques secondes, mes doigts rencontrent ce que je cherchais : un paquet de cigarettes presque plein et un briquet usé. Au moins ils sont utiles pour quelque chose. Je me redresse, glissant le paquet dans la poche de ma poche. Une clope entre mes lèvres, j'allume le briquet. La flamme vacille un instant, mais je persiste. La première bouffée brûle ma gorge, violente, acide, mais étrangement apaisante. Le goût amer et la chaleur suffisent à calmer un peu la rage qui tambourine encore dans ma poitrine. Je fixe les hommes à mes pieds, leurs corps inertes éparpillés dans la poussière. Certains gémissent faiblement, d'autres restent immobiles. Je tire une nouvelle bouffée de ma cigarette. La fumée s'échappe lentement de mes lèvres, un voile gris se dissipant dans l'air. Sept mois. Sept foutus mois à me battre contre ces abrutis, jour après jour. Je ne cherche même pas à survivre, pas vraiment. Tout ce que je veux, c'est qu'on me laisse crever en paix dans ma cellule. Mais ça, ils ne peuvent pas me l'accorder. La cendre de ma cigarette tombe sur ma main, brûlant légèrement ma peau. Je sursaute à peine, fixant la fumée qui monte dans les airs. Ma tête est ailleurs, plongée dans des souvenirs que j'aurais préféré oublier. Qu'est-ce que je déteste la cigarette... Cette odeur de tabac qui s'accroche à la peau, qui imprègne mes vêtements.
Je ferme les yeux un instant. Cette odeur, elle me ramène toujours à lui. À mon père. Lui qui passait son temps à fumer, un nuage de nicotine l'entourant constamment. Il fumait même pendant... Je ravale un frisson en serrant les dents. Pendant qu'il me regardait me faire battre, impassible, comme si tout ça n'était qu'un jeu. Il était toujours là, assis dans un coin, une cigarette à la main, son regard froid me transperçant.
Moi qui m'étais juré de ne jamais lui ressembler... Je réalise que je suis en train de suivre exactement le même chemin que lui. Quelle ironie. C'est comme si le destin prenait un malin plaisir à me rappeler que, malgré mes efforts, je ne pourrais jamais échapper à cette partie de moi. Je serre les poings, la fumée de la cigarette flottant encore devant mes yeux. Mon regard se perd un instant, et son visage apparaît dans mon esprit. Sienna. Sa voix douce, ses rires.
- Sienna, je t'ai promis de ne jamais toucher au tabac... murmuré-je à voix basse. Désolé. Je n'arrête pas de te décevoir.
Ces mots s'échappent de mes lèvres, emportés par le vent. Je jette la cigarette encore à moitié intacte sur le sol poussiéreux, l'écrasant violemment sous mon talon. Je la réduis en miettes, comme si détruire ce mégot pouvait effacer mes erreurs. Mais l'odeur reste. Elle flotte autour de moi. Je passe une main sur mon visage, lâchant un long soupir.

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ESMERALDA ⎜1 & 2
RomanceElle pensait être enfin libre, enfin heureuse. Elle avait quitté le monde dangereux auquel elle avait grandi pour mener une vie paisible loin de son père, mais au lieu de ça elle s'est retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Elle avait essay...